Histoire administrative

Les services ministériels en charge de l’Algérie

L’histoire des services ministériels en charge de l’Algérie montre à la fois la permanence de services spécialisés et la fréquence des changements de rattachements. Ces changements attestent des hésitations perpétuelles sur la politique à mener et surtout sur le statut à donner à cet espace, ainsi que sur ses rapports avec la métropole.

L’implantation administrative ne se met réellement en place qu’à la suite de l’ordonnance permettant l’organisation des possessions françaises en Afrique du Nord (1834), en particulier avec l’institution d’un Gouverneur général aux pouvoirs élargis. Si les militaires conservent les pleins pouvoirs, l’objectif reste néanmoins que l’administration militaire ne soit que provisoire. De la conquête à 1870, le contrôle des affaires civiles algériennes est ainsi confié au ministère de la Guerre, si on excepte la courte période du ministère de l’Algérie et des Colonies créé pour le Prince Jérôme Napoléon (1858-1860).

Par le décret du 24 avril 1870, le gouvernement de la Défense nationale inaugure en Algérie un « régime civil », qui implique que le nouveau Gouverneur général civil de l’Algérie corresponde avec chaque ministère pour les affaires à traiter. Dans les faits, les attributions du ministère de la Guerre en charge des affaires algériennes jusqu’alors sont transférées au ministère de l’Intérieur, par un arrêté non promulgué du 6 avril 1871, et naît ainsi une direction des affaires civiles de l’Algérie (8 novembre 1871).

à la fin du XIXe siècle, sous l’influence des idées assimilationnistes qui entendent supprimer toute administration spéciale à l’Algérie, les différents départements ministériels se voient confier les affaires de leur compétence pour l’Algérie, en lien avec le Gouverneur général. Ce système dit « des rattachements » restreint les attributions directes du ministère de l’Intérieur à des compétences locales (administration générale, départementale et communale, assistance hospitalière, police générale, chemins vicinaux, presse, imprimerie et librairie), auxquelles s’ajoute un seul domaine spécial, la colonisation.

Toutefois, le système des rattachements ne donne pas les résultats escomptés –les départements ministériels se souciant beaucoup moins de l’Algérie que de la métropole –, il est finalement supprimé le 31 décembre 1896, sauf pour quelques secteurs particuliers comme l’Instruction publique et la justice non musulmane. Le ministre de l’Intérieur retrouve donc ses larges attributions antérieures et se voit doté au surplus d’un pouvoir de nature hiérarchique sur le Gouverneur généralAux ANOM, le fonds des cabinets civils des Gouverneurs généraux, coté en CAB est très conséquent reflétant l’importance administrative et politique de ce cabinet au fil du temps. Il n’a pas fait l’objet d’un inventaire dans ce guide. [1 CAB - Cabinets antérieurs à 1930 ; 1912-1927 ; 2 CAB - Cabinet Jules Carde 1925-1935 ; 3 CAB - Cabinet Georges le Beau 1931-1940 ; 4 CAB - Cabinet Jean Abrial 1939-1941 ; 5 CAB - Cabinet Weygand et Châtel 1938-1941 ; 6 CAB - Cabinet Peyrouton 1943 ; 7 CAB - Cabinet Catroux 1940-1944 ; 8 CAB - Cabinet Chataigneau 1931-1948 ; 9 CAB - Cabinet Naegelen 1942-1951 ; 10 CAB - Cabinet Léonard 1948-1955 ; 11 CAB - Cabinet Soustelle 1954-1956 ; 12 CAB - Cabinet Lacoste 1948-1958 ; 13 CAB - Cabinet Salan 1956-1958 ; 14 CAB - Cabinet Delouvrier 1934-1960 ; 15 CAB - Cabinet Jean Morin 1960-1962 ; 16 CAB - Cabinet Fouchet 1962.].

Tout au long de la période coloniale, l’autorité du ministère de l’Intérieur est contestée, avec des arguments opposés, tant par les partisans de l’assimilation totale que par ceux de l’autonomie de l’Algérie. Des projets de réformes aussi bien sur l’organisation de la tutelle que sur les moyens alloués sont discutés régulièrement. Aucun, toutefois, n’aboutit. Les divergences d’opinions, mais aussi la réticence du ministère des Finances à créer de nouveaux services, ont certainement contribué au maintien de la longue tutelle du ministère de l’Intérieur.

Ainsi, le décret du 23 octobre 1934, contresigné par le ministre de l’Intérieur, rappelle à tous l’étendue de ses prérogatives : « Article 1. (…). Cette autorité [du Gouverneur général] s’exerce sous le contrôle du ministère de l’Intérieur sur tous les services de l’Algérie. Le Gouverneur général rend compte de ses décisions au ministre de l’Intérieur. Il peut correspondre avec tous les ministres pour les affaires concernant leur département, sous réserve de tenir le ministre de l’Intérieur informé. »

Dans les années 1930, pour faire face à l’accroissement du volume des affaires courantes à traiter, une direction des affaires de l’Algérie est créée à Paris, placée sous l’autorité du secrétaire d’État à l’Intérieur, dont les attributions et les bureaux spécialisés changent souvent. En 1940, cette direction des affaires de l’Algérie s’installe à Vichy, comme la plupart des services du ministère de l’Intérieur. Ce service résiste toutefois à l’interruption des relations avec l’Algérie, après le débarquement anglo-américain de novembre 1942, en recentrant ses activités sur l’assistance aux ressortissants d’Algérie immobilisés en métropole.

Si dans l’immédiat après-guerre, les débats reprennent sur une réorganisation des tutelles de l’Algérie, le statut organique de l’Algérie élaboré le 20 septembre 1947« Loi du 20 septembre 1947 portant statut organique de l’Algérie », Le Genre humain, 1997, vol. 1, no 32, p. 165‑178. maintient la fonction de Gouverneur général, responsable de ses actes devant le gouvernement de la République. Même si le statut de l’Algérie ne contient pas de définition générale du rôle du ministre de l’Intérieur, celui-ci continue d’exercer ses attributions antérieures et de contresigner tous les décrets d’homologation.

Enfin, il faut noter que le régime juridique de l’Algérie fixé par la loi du 24 avril 1833, permet à l’Algérie d’être administrée par un « régime des ordonnances » dans lequel elle est intégrée au moment de son annexion officielle par l’ordonnance du 22 juillet 1834. Ce régime autorise, et ce jusqu’en 1947, le pouvoir exécutif local, c’est-à-dire le Gouvernement général, à appliquer les lois métropolitaines, avec la possibilité de les modifier pour leur application sur le sol algérien.

La guerre d’Algérie bouleverse les rapports entre la métropole et l’Algérie. À partir de 1956, le ministère de l’Intérieur transfère au président du Conseil l’exercice de ses prérogatives. Les services en matière algérienne se spécialisent, se politisent et s’enrichissent d’organismes divers. Un Ministre résident est affecté à l’Algérie, le général CatrouxDu 1er au 7 février 1956. rapidement remplacé par Robert LacosteDu 9 février 1956 au 13 mai 1958.. Ce dernier, nommé Ministre de l’Algérie, détient des pouvoirs élargis, puisqu’il récupère sous son autorité non seulement les services du Gouvernement général, mais aussi la direction des affaires d’Algérie. Sous la pression des événements de mai 1958, Lacoste quitte Alger et le général Salan est investi des pouvoirs civils et militaires le 13 mai, puis confirmé ensuite dans ces fonctions par le général de Gaulle. Un ministre d’État chargé des affaires algériennes, Louis Joxe, est nommé en décembre 1960 pour préparer les négociations avec le Front de Libération Nationale.

Le cadre territorial de l’administration et de ses archives 

Dès 1845, l’Algérie se dote d’un découpage territorial destiné à favoriser l’administration locale : les trois grandes provinces, d’Alger, de Constantine et d’Oran, sont créées. Dans chacune d’entre elles, le territoire est divisé en trois entités différentes : un territoire décomposé en communes et en arrondissements, géré par un régime civil, là où il existe une population européenne importante ; un territoire militaire, administré par les bureaux arabes où les Européens n’ont en principe pas le droit de s’installer ; enfin un territoire mixte qui ne voit finalement jamais le jourIl sera supprimé officiellement en 1848.. En 1848, l’Algérie est définie comme territoire national et est donc régie, comme la métropole, par la même Constitution ; puis l’ordonnance du 9 décembre 1848 érige les trois grandes provinces en départements. À partir de décembre 1849, les préfets sont installés dans les départements algériens. Leurs prérogatives sont similaires à celles de leurs homologues en métropole, mais ils administrent en plus directement des missions liées aux caractéristiques spécifiques de l’Algérie, comme la gestion des indigènes et la colonisation des terres. Ils sont directement placés sous l’autorité hiérarchique du Gouverneur général.

Par la loi du 24 décembre 1902, la superficie des départements d’Alger, Oran et Constantine est réduite. Sont ainsi dégagés des Territoires du Sud, gérés exclusivement par l’armée jusqu’en 1957. L’Algérie du Nord avec les départements d’Alger, Oran et Constantine reste inchangée jusqu’en 1956, année de la création de nouveaux départements. Le département d’Alger est alors découpé en quatre nouvelles entités que sont Orléansville, Médéa, Tizi-Ouzou et Alger ; celui d’Oran est divisé en cinq circonscriptions, Tlemcen, Mascara, Saïda, Tiaret et Oran ; enfin le département de Constantine est partagé en Sétif, Batna, Constantine et Bône. À l’intérieur de ces treize nouveaux départements, sont créés les arrondissements, qui n’ont toutefois pas les mêmes prérogatives que les arrondissements métropolitains. Il n’y a pas en Algérie de circonscriptions cantonales.

L’originalité du découpage territorial et administratif algérien se situe au niveau de la commune. Il existe en effet trois types de communes : la commune de plein exercice, la commune mixte et enfin la commune indigène. Cette typologie se justifie par la présence de deux types de population, l’une européenne et l’autre indigène. La présence d’une population européenne concerne uniquement les deux premières catégories.

La commune de plein exercice est une commune similaire à celles de métropole ; l’importance de la population européenne (qui n’est pas obligatoirement majoritaire) permet l’existence des centres de colonisation, la possibilité de constituer une assemblée communale et une assise financière suffisante pour garantir le fonctionnement des services municipaux.

La commune mixte est en général plus peuplée et correspond à un territoire plus vaste mais la proportion de la population européenne n’est pas suffisante pour occuper une assez large portion du territoire communal. Ce système communal subsiste jusqu’en 1956, moment à partir duquel toutes les communes sont désormais régies selon la loi municipale du 5 avril 1886. La commune mixte accède alors au statut de commune de plein exercice.

Évidemment, ce qui différencie les départements algériens des départements métropolitains est l’immensité de leur superficie. En 1922, date à laquelle les derniers territoires militaires dans le nord du pays disparaissent, la superficie moyenne d’un département algérien est de 70 000 km² pour une population à administrer d’environ 1,7 million d’individus, dont le poids démographique augmente chaque année. Par comparaison, son homologue métropolitain couvre en moyenne 6 000 km² pour 400 000 habitantsClaude Collot, Les institutions de l’Algérie durant la période coloniale (1830-1962), Paris, CNRS Éditions, 1987, p. 45.. Le résultat de cette situation est que les territoires algériens sont sous-administrés.

Répartition des archives France/Algérie

Malgré les changements d’affectation des services en charge de l’Algérie, les archives montrent la permanence de leur existence entre 1830 et 1962, et la continuité des missions qui permettent aux ministères de rattachement, d’assurer, avec plus ou moins d’efficacité selon les époques, le contrôle de l’administration en Algérie et le relais entre cette administration et le gouvernement à Paris.

La production d’archives, à l’exception des années 1880-1900, connait une croissance régulière, qui devient exponentielle après le début de la guerre d’Algérie. Elle est évidemment liée aux prérogatives variables données aux ministères ; et à la création, à la fin de la période, de nouveaux organismes dédiés au maintien de l’ordre et à la surveillance des populations, tels que les Sections administratives spécialisées (SAS) ou les Services départementaux des renseignements généraux, etc.

Les Archives nationales d’Outre-mer conservent à Aix-en-Provence, depuis la création de ce dépôt en 1966, un ensemble d’archives dites « de souveraineté » qui existaient en Algérie en 1962. L’ensemble de ces archives constitue un total d’environ dix kilomètres linéaires. Les archives territoriales rapatriées sont toutefois estimées à seulement 10 ou 12% du total des archives produites en Algérie avant 1962Archives nationales d’Outre-mer. Projet scientifique, culturel et éducatif (PSCE), 2020-2024, Aix-en-Provence, 2019, p. 37. Le total des archives produites en Algérie est estimé à 80 kilomètres linéaires..

La très grande majorité des fonds qui nous intéressent dans le cadre de ce guide sont conservés aux Archives nationales d’Outre-mer. Globalement, les fonds d’archives conservés à Aix proviennent du Gouvernement général et des administrations départementales d’Alger, Oran et Constantine. Tandis que sont restés en Algérie l’état civil européen, les archives notariales, les jugements des tribunaux, le cadastre, les archives municipales et les documents administratifs, techniques, économiques et financiers, les archives des services administratifs de l’équipement et de l’éducation, etc.

Présentation des fonds relatifs à l’Algérie aux Archives d’Outre-mer

Les Archives nationales d’Outre-mer conservent trois types de fonds d’archives relatifs à l’Algérie :

- les archives ministérielles issues des ministères ayant successivement eu en charge l’Algérie, à savoir : le Ministère de la Guerre et de l’Intérieur (1830-1907), le ministère des Affaires algériennes (1945-1963), le ministère du Sahara (1956-1961) (soit 600 mètres linéaires) ; le fonds consacré au ministère des Affaires algériennes (1945-1963) a été coté dans la sous-série 81F par référence à la sous-série F80 (1830-1907) qui regroupe les archives des services ministériels chargés des affaires algériennes antérieurement. L’importante lacune chronologique entre ces deux fonds est, semble-t-il, due à une destruction d’archives qui aurait eu lieu durant la Seconde Guerre mondiale ;

- les archives territoriales produites par les services de l’administration française en Algérie avant 1962 et transférées partiellement en 1961 et 1962, telles que celles du Gouvernement général d’Algérie, préfectures, sous-préfectures, communes mixtes, Sections Administratives Spécialisées, services de police, etc. (7000 mètres linéaires) ;

- les archives d’organismes publics ou semi-publics comme la Banque d’AlgérieMohamed Lazhar Gharbi, Crédit et discrédit de la Banque d’Algérie (seconde moitié du XIXe siècle), Paris, L’Harmattan, 2005. et de Tunisie (notamment dossiers de personnel), le Crédit foncier Algérie-TunisieHubert Bonin, Un outre-mer bancaire méditerranéen : histoire du Crédit foncier d’Algérie et de Tunisie, 1880-1997, Saint-Denis, Publications de la Société française d’Outre-mer, 2004., l’Organisation commune des régions sahariennes, le bureau industriel algérien (soit 2300 mètres linéaires).

À ce jour, 82% de ces fonds sont classés et accessibles. 255 instruments de recherche ont été élaborés. Un marché de rétro-conversion de l’ensemble des instruments de recherche existant aux Archives d’Outre-mer est en cours, dont l’objectif est que tous ceux relatifs à l’Algérie soient mis en ligne d’ici 2024Archives nationales d’Outre-mer. Projet scientifique, culturel et éducatif (PSCE), 2020-2024, op. cit., p. 27..

Les archives de la colonisation et la spécificité du cadre de classement des archives dans un espace colonial par rapport à la métropole

Les archives de la colonisation représentent un ensemble documentaire considérable, qu’il s’agisse des fonds des ministères, en particulier la sous-série F80 pour les ministères de la Guerre et de l’Intérieur, ou des fonds territoriaux pour les archives du Gouvernement général d’Algérie, des préfectures d’Alger, Oran et Constantine ou encore des sous-préfectures.

Le cadre de classement des archives produites en Algérie est très proche de son modèle métropolitain, duquel il n’utilise toutefois que la partie dédiée aux archives modernes. Mais en Algérie, ce cadre doit tenir compte des données locales et augmenter la classification des catégories de tout ce qui a spécifiquement trait à la « conquête », à la « Colonisation », aux « Affaires indigènes ».

La sous-série F80, correspondant aux versements des ministères de la Guerre et de l’Intérieur (1830-1907), auxquels ont été incorporés divers documents ou groupes de documents originairement versés par des services différents (Instruction publique ou Commerce), ou encore un groupe de Cartes et Plans, représente un ensemble très conséquent pour le XIXe siècle (285 mètres linéaires).

Sans doute plus impressionnantes en volume, les archives du Gouvernement général de l’Algérie [GGA]Le cadre de classement des archives centrales du Gouvernement général a été mis en place par Gabriel Esquer, chartiste, archiviste du GGA, en poste à Alger de 1909 à 1942. Gabriel Esquer, Les archives algériennes et les sources de l’histoire de la conquête, Alger, A. Jourdan, 1912. par exemple comptent 21 séries et 2 complémentaires, parmi lesquelles des séries spécifiques à l’organisation coloniale, comme les séries H (Affaires indigènes), I, J, K (Bureaux arabes par département), L (Colonisation), M (Propriétés indigènes). La série consacrée à la colonisation (L) est composée de 54 sous-séries, comme Compagnies de colonisationClaude Lützelschwab, La Compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif (1853-1956) : un cas de colonisation privée en Algérie, Bern, Peter Lang, 2006. Hubert Bonin, « La Compagnie algérienne, levier de la colonisation et prospère grâce à elle (1865-1939) », Revue française d’Outre-mer, 2000, vol. 2, no 328‑329, p. 209‑230. (3L), Création de centres de colonisation (4l, 5L, 20L, 21L, 22L), Villages de colonisation (9L, 11L), Colonisation maritime (10L), Concessions européennes (53L), Enquêtes de colonisation (7L), etc.

Les séries départementales, devenues archives des préfectures, constituent enfin un ensemble important classé de façon identique pour les préfectures des trois départements, avec 22 titres génériques. En effet, c’est sous l’impulsion de Prosper Alquier, premier chartiste nommé dans le Constantinois, que s’élabore le cadre de classement des archives départementales algériennes, validé en 1927 et applicable à l’ensemble des archives départementales algériennesXavier Gelly, L’administration des archives coloniales françaises de l’Algérie. Regard sur le fonctionnement des archives départementales d’Alger de 1902 à 1962, Master 1 Histoire et Documents, Parcours métiers des archives et bibliothèques, Bénédicte Grailles (dir.), Université d’Angers, 2015, p. 25.. Si l’on retrouve quelques intitulés similaires à ceux de la métropole comme les séries A, T, U ou S, la singularité algérienne ici s’exprime distinctementSéries : A. Lois et décrets, arrêtés ; B. Administration générale de l’Algérie ; C. Personnel du département. Distinctions honorifiques ; D. Personnel du département pour les affaires indigènes ; E. Élections ; F. Police, Hygiène ; G. Population, État civil ; H. Agriculture, Commerce, Industrie ; I. Administrations des anciens territoires militaires ; K. Administration et comptabilité départementale ; L. Administration et comptabilité communale ; M. Colonisation ; N. Propriété indigène ; O. Finances ; P. Domaines ; Q. Guerre et affaires militaires ; R. Travaux publics ; S. Instruction publique, Sciences et Arts ; T. Justice ; U. Cultes ; V. Établissements de bienfaisance ; X. Établissements de répression ; Y. Affaires diverses.. Dans ce classement départemental, la série M (Colonisation) est constituée des archives du Service de la colonisation dont les fonctions, à partir des années 1840, consistaient à créer les villages de colonisation et à attribuer les concessions. Ces archives offrent la possibilité d’une étude très fine de la colonisation en Algérie, sur les villages de colonisation et leurs habitants avec des dossiers individuels de concessionnaires (pour les sous-séries inventoriées à ce jour, nous donnons celle de Constantine en exemple, voir en annexe 1).

Dans le cadre du présent guide, les choix archivistiques ont été orientés par la présence d’une population européenne dont on sait qu’elle fut majoritairement urbaine, ou pour le moins concentrée dans les centres de colonisation. Il s’agit ici uniquement des sources disponibles dans les dépôts d’archives en France.

Pour les séries générales, en particulier autour de la colonisation, nous avons indiqué à part les cotes des communes de Guelma, Miliana, Philippeville, Mostaganem, Cherchell, Blida, Boufarik, Bône, Batna, Bougie, Sétif, Sidi-bel-Abbès, quand il était possible de les isoler dans des séries très longuesCe choix « subjectif » correspond à un souhait de l’Axe 1 du Centre Roland Mousnier (UMR 8596) d’isoler quelques communes pouvant offrir un cadre d’étude précis lié aux thématiques de travail de l’équipe..

Pour le cas spécifique des communes mixtes et en raison de l’importance numérique de ces dernières, nous avons choisi de détailler ce qu’offrent les cartons d’archives partir de trois cas particuliers, un par département, auxquels nous avons rajouté la commune d’Aïn-el-Skar parce que l’ensemble archivistique est remaquable, et permet de montrer les différentes modalités d’expropriation et de mise en valeur des terres, ainsi que la vie de la communauté (partie 7.4.)

La multiplicité des séries ou sous-séries font qu’elles recouvrent souvent des réalités comparables, sous des axes et pour des périodes différents. Il a fallu faire des choix, en particulier celui de limiter notre inventaire des archives des préfectures d’Algérie aux grandes thématiques du plan. Il est également apparu nécessaire de restreindre la description analytique des fonds conservés dans les Archives départementales en France à quelques études de cas (Archives départementales du Haut-Rhin, du Bas-Rhin pour les Alsaciens-Lorrains, Archives départementales des Bouches-du-Rhône pour les rapatriés, etc.).

Il faut noter que le déficit d’archives lié aux pertes ou destructions pour les dernières décennies du XIXe siècle, laisse dans les séries certaines coupures. Par ailleurs, dans les archives répertoriées, la césure de la Première Guerre mondiale ne semble pas extrêmement marquée, face à une administration qui semble continuer à fonctionner sur la base de schémas anciens, alors que les rapports entre la colonie et la métropole changent bel et bien au sortir du conflitGilbert Meynier, L’Algérie révélée. La guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXe siècle, Saint-Denis, Bouchène, 2015..

Enfin, les difficultés d’appréhension des contenus des séries pour une histoire sociale sont particulièrement accentuées autour de la Seconde Guerre mondiale et encore davantage après 1945 et les massacres de Sétif, Guelma et KherrataMassacres de Sétif, Guelma et Kherrata, 8 mai 1945. Jean-Pierre Peyroulou, Guelma, 1945 une subversion française dans l’Algérie coloniale, Paris, La Découverte, 2009., puis 1954, où les « évènements d’Algérie » occupent toute l’attention des services publics qui produisent les archives et en imposent une lecture politique. Cela explique en particulier l’importance donnée à la surveillance des populations que l’on retrouve dans la production croissante des archives pour cette période.

De quelle(s) population(s) parle-t-on ?

Dans les espaces coloniaux, on distingue trois types de population : les autochtones ou indigènes ; les colons ; les « autres » minorités en situation intermédiaireAnnick Foucrier, « Populations coloniales », Annales de Démographie Historique, 2007, n° 113, no 1, p. 5‑11..

L’Algérie attire de nombreux migrants, bien au-delà des rivages de la Méditerranée, comme en témoignent par exemple les cartons de la sous-série L (Colonisation) du Gouvernement général de l’Algérie, avec des dossiers concernant des maronites du LibanGerald Arboit, « De l’immigration des maronites en Algérie : un aspect de la politique française à l’égard des communautés chrétiennes de Syrie entre 1848 et 1870 », Outre-Mers. Revue d’histoire, 2000, no 328, p. 231‑239., des chrétiens orientaux de Syrie ou de Palestine, des Hongrois, des IrlandaisJanick Julienne, Un Irlandais à Paris. John Patrick Leonard, au cœur des relations franco-irlandaises, Berne, Peter Lang, 2016., des Polonais, des catholiques suédois ou encore des coolies chinoisClaire Fredj, « Des coolies pour l’Algérie ? L’Afrique du Nord et le travail engagé (1856-1871) », Revue d’Histoire Moderne Contemporaine, 2016, no 2, p. 62‑83..

Toutefois, il s’agit ici d’étudier une population européenne. Le terme d’« Européens » est adapté à la réalité des nationalités diverses qui se retrouvent majoritairement dans la société coloniale algérienne, et il permet aussi d’y englober les « Français ». Ce guide consiste ainsi à inventorier les sources qui permettent de faire l’histoire de ce peuplement « minoritaire »F. Colonna et C. Taraud, « La minorité européenne d’Algérie (1830-1962) : inégalités entre “nationalités”, résistances à la francisation et conséquences sur les relations avec la “majorité musulmane” », art cit. européen en Algérie, en la centrant d’une part autour de la colonisation et des migrations sur toute la période coloniale ; et d’autre part sur l’encadrement de cette société coloniale par l’Etat.

Les entrées proposées permettent dans un premier temps de poser le cadre des enquêtes à venir en questionnant le découpage chronologique à partir des séries archivistiques ; de mesurer ensuite la population à partir des recensements et des statistiques générales ; d’enquêter sur les comportements démographiques ; d’établir le cadre juridique de ce que l’on peut percevoir comme une communauté de « classes » et, enfin, d’envisager la géographie de l’implantation de ces populations européennes et les transformations qui en découlentHélène Blais, Mirages de la carte. L’invention de l’Algérie coloniale, Paris, Fayard, 2014. Jean-Jacques Jordi, « Alger 1830-1930 ou une certaine idée de la construction de la France », Méditerranée, 1998, no 2, p. 29‑34. Hélène Blais, « Les enquêtes des cartographes en Algérie ou les ambiguïtés de l’usage des savoirs vernaculaires en situation coloniale », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 2007, no 54‑4, p. 70‑85. Pierre Singaravélou, L’Empire des géographes. Géographie, exploration et colonisation (XIXe-XXe siècles), Paris, Belin, 2008.. L’implantation des populations venues d’Europe, malgré les difficultés liées au climat ou aux épidémies, est bien réelle. Elle quadrille l’espace algérien avec des spécificités liées aux pays d’origine : si les Français sont présents sur l’ensemble du territoire et notamment majoritaires dans les villes de l’intérieur, les Espagnols sont plus massivement présents dans l’Oranais, les Italiens dans les villes portuaires de l’Algérois et du Constantinois comme le montre une étude récenteG. Brunet et K. Kateb, L’Algérie des Européens au XIXe siècle. Naissance d’une population et transformation d’une société, op. cit.. Les liaisons fréquentes et diversifiées entre la métropole et les grandes villes d’AlgérieLes liaisons avec les grandes villes en Algérie sont régulières depuis Marseille : le mardi et le samedi à destination d’Alger, le jeudi pour Oran et le vendredi pour Stora, le port de Philippeville. Gérard Crespo, « Les migrants européens entre l’Europe du Sud et le Maghreb (1830-1962) » dans Hubert Bonin (dir.), Partir dans les Outre-mers. De l’empire colonial à nos jours (XIXe-XXIe siècle), Paris, Indes Savantes, 2020. à partir de Marseille dans les années 1850, qui supplante alors Toulon, en raison des travaux d’agrandissement du port et de l’arrivée du chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée effective dès 1855, expliquent en partie la diffusion de la présence française sur l’ensemble du territoire. Pour les Italiens et les Espagnols, les arrivées dans la colonie sont toujours liées à des initiatives privées, parfois clandestines ; souvent sur des petits bateaux de pêche pour les Italiens. Dans les premières décennies, les Mahonnais et les Sardes, qui jouent un rôle important dans l’approvisionnement de l’armée française, profitent de la flotte française pour arriver en Afrique du Nord. Ces routes différentes selon les pays d’origine donnent de précieuses indication sur la géographie de l’implantation en Algérie.

Par ailleurs, la religion a dans une certaine mesure accompagné le cloisonnement des populations vivant sur le sol algérien, la religion catholique constituant un point commun à la plupart des migrants originaires d’Europe. L’antisémitisme a été fort au cours de la période étudiée, particulièrement sensible lors de la crise « antijuive » de la fin du XIXe sièclePierre Birnbaum, Le moment antisémite: un tour de la France en 1898, Paris, Fayard, 1998. Geneviève Dermenjian, Crise anti-juive oranaise, 1895-1905 : l’antisémitisme dans l’Algérie coloniale, Paris, L’Avenir du passé, 1986. D. Guignard, L’abus de pouvoir dans l’Algérie coloniale (1880-1914), op. cit. Pierre Hebey, Alger 1898. La grande vague antijuive, Paris, Nil, 1996.. Les sources religieuses, malheureusement peu accessibles pour certaines, devraient permettre d’évaluer l’intensité des pratiques religieuses parmi les Européens et le rôle de la religion dans la construction des identités. La sous-série F19 (Cultes aux AN) permet par ailleurs de suivre l’organisation des différents cultes, catholique, protestant et israélite en Algérie. On y retrouve en particulier les nominations des personnels rattachés.

On notera tout spécialement la richesse des archives privées des Églises protestantes d’Algérie (208/APOM). Ces archives des paroisses d’Algérie, pour la plupart, furent regroupées à Alger dès 1962. L’Église réformée de France a choisi de faire dépôt de ce fonds en 2009 aux Archives nationales d’outre-mer. Composé notamment des registres des baptêmes, mariages et sépultures et des listes de paroissiens, il présente l’intérêt d’autoriser une étude des réseaux familiaux et de sociabilité en œuvre entre les paroissiens, sur la longue durée et sur une bonne partie du territoireVincent Gourdon, « Les témoins de mariage civil dans les villes européennes du XIXe siècle : quel intérêt pour l’analyse des réseaux familiaux et sociaux ? », Histoire, Economie Société, 2008, no 2, p. 61‑87 ; Vincent Gourdon et Francois-Joseph Ruggiu (dir.), « Familles en situation coloniale », Annales de Démographie Historique, 2011, n° 122, no 2 ; Claire Lemercier, « Analyse de réseaux et histoire de la famille : une rencontre encore à venir ? », Annales de Démographie Historique, 2005, no 1, p. 7‑31..

De même, à la recherche de fonds permettant d’y déceler les réseaux de sociabilité, les archives de la Franc-maçonnerieXavier Yacono, Un siècle de franc-maçonnerie algérienne (1785-1884), Paris, France, Maisonneuve et Larose, 1969., en particulier celles du Grand Orient de France, consultables autant à la BNF qu’au siège du GOF à Paris, sont d’une grande richesse. On pointera plus spécifiquement le dépôt des registres de la loge Hippone de Bône de 1832 à 1922, qui sont à ce jour inéditsIrène Mainguy, « Un sauvetage d’archives au Grand Orient de France », Chroniques d’histoire maçonnique, 2007, no 61, p. 83‑92..

Il convient ensuite de chercher à comprendre le cadre quotidien de vie dans lequel s’insèrent ces Européens, au travers des séries où on peut espérer les « attraper » individuellement ou collectivement. Ce guide de recherche propose différentes entrées depuis les projets de colonisation en Algérie au tout début du XIXe siècle jusqu’à la prise en charge des indemnisations des rapatriés d’Algérie. Après cette première partie, une deuxième partie dans ce guide est largement centrée sur la colonisation, puis la troisième sur l’encadrement de la société coloniale par l’État.

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