3ème partie : Encadrer la société

Une fois sur le sol algérien, comment ces Européens s’insèrent-ils dans la société ? Quels sont les grands cadres dans lequels ils vivent leur intégration à la société française ? Voit-on dans les générations suivantes, lorsque ces migrants ont des descendants, nés en métropole ou sur le sol algérien, des évolutions particulières ? Les grandes séries autorisent à dérouler les parcours personnels et professionnels pour « attraper » ces européens.

Dans les grands domaines, comme l’Instruction publique, la santé, l’administration, le commerce, la justice, etc, , quelles sont les grandes trajectoires professionnelles qui se dessinent ? Existe-t-il de vraies différences dans les carrières en fonction de l’origine des individus ? En terme de formation et de statuts, à partir de quelles années voit-on les « créoles » accéder de plus en plus aux positions les plus élevées remplaçant les métropolitains ?

A l’école, au lycée ou encore à l’université, quels sont les enfants ou jeunes les plus représentés ? Comment cette répartition évolue-t-elle au fil du temps, avec l’accession à l’instruction de plus en plus large des communautés non françaises d’origine et l’accession, par l’école, à la maîtrise de la langue française ? Que sait-on exactement des institutrices en Algérie par exemple, ou encore de l’accès des filles aux études plus ou moins longues ? De l’accès de la minorité juive, désormais française à partir de 1870, dans les écoles et les universités ?

Des archives spécifiques peuvent renseigner sur les modalités de construction d’une élite coloniale urbaine et sa diversité. Les sources non administratives (bottins, annuaires, généalogies) sont susceptibles d’aiguiller les recherches. Elles peuvent être associées aux listes des diplômés dans la série Instruction publique. Les cadres moyens et supérieurs peuvent être repérés dans les grandes sous-séries, 1G du GGA (personnels de l’administration centrale) et 81F pour l’administration générale et ses différents cadres. Les personnels politiques et syndicaux importants, les notables des communes peuvent être repérés dans les archives concernant les élections, surtout quand ils reçoivent des distinctions honorifiques (séries D des préfectures). Nombre de données disponibles dans les archives doivent pouvoir indiquer quelles sont les élites administratives, commerciales et financières de l’Algérie.

Enfin face aux contextes de guerre (Seconde Guerre mondiale et Guerre d’Algérie), la surveillance policière et administrative est renforcée. Quelles en sont les conséquences concrètement sur la vie quotidienne des européens en Algérie, en particulier dans leurs rapports sociaux ? Quelles nouvelles distinctions surgissent au sein d’une communauté européenne face à la surveillance soutenue des « étrangers » ? Si ici, les questions sont éminemment politiques, elles fracturent toutefois cette société européenne, en témoignent la multiplication des organisations politiques ou syndicales différentes ou la création de l’OAS. De la surveillance des populations, de celle des fonctionnaires, de la composition des forces de maintien de l’ordre et des cibles visées par celles-ci, c’est aussi une histoire sociale de ces européens qui peut être abordée.

L’abolition du décret Crémieux (le 7 octobre 1940) sépare la communauté française. Le Fonds du Commissariat aux Questions juives de Constantine, unique en son genre en Algérie, autorise à mesurer concrètement les questions relatives aux statuts des juifs et à la spoliation de leurs biens. Une histoire en miroir des spoliés et des administrateurs provisoires peut être faite. Tout comme celle des juifs exclus des professions interdites et en miroir, encore une fois, celle de leur intégration à la société française d’Algérie auparavant.

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